A Dnipro comme à la maison…
Dnipro, ce fut l’étape plaisir… plaisir de retrouver une ville où j’ai vécu il y a peu ; plaisir surtout de retrouver les amis et connaissances, comme après une absence prolongée, loin de son chez-soi. Plaisir aussi, il faut bien avouer de profiter d’être en vacances – car comme le décrit très bien Yogui, le séjour fût largement placé sous le signe du « Gouliat »… Il a d’ailleurs très bien réussi son intégration parmi la communauté des locaux, tous sensibles à son souhait de parler leur langue. Sa flasque de Slivovica slovaque a aussi été un grand atout pour lui.
Au milieu de toutes ces festivités très aïolisées comme diraient certains, j’éprouve le sentiment bizarre de revenir à la maison, mais sans en avoir une à moi… Toutefois, l’accueil on ne peut plus chaleureux de Vova nous a permis, pendant quelques jours, de nous sentir posés chez nous chez lui…
Tellement chez nous que j’ai même personnellement contribué à l’accueil de nos invités en prêtant mon duvet à ce pauvre JC dont parle Yogui et qui après un gouliat mal négocié se sentait un peu ballonné. Imaginez mon inquiétude pour mon duvet… il me trompe avec JC pour une nuit et prend le risque de me faire défaut par la suite si d’aventure JC s’était senti mal pendant la nuit ! Je n’irai pas plus loin dans les détails mais soyez rassurés, mon duvet se porte bien !
Autre info : bien que jouant à domicile, j’ai quand même appris une nouvelle règle locale auprès des vendeurs qui tiennent les stands où s’étalent bières et autres chips. Quand j’ai demandé pourquoi les bières qu’ils sortent du frigo ne sont pas fraîches, j’ai eu pour réponse : « Ben normalement à la mi-octobre il fait froid, alors on ne branche pas les frigos, les bières sont naturellement fraîches… » Je suis resté un peu con face à cette logique et j’ai pris ma bière tiède sans broncher en me disant que le vendeur disait vrai : il fait en effet étonnement doux pour la saison.
Ca bouge à Dnipro, mais l’Ukraine reste l’Ukraine…
A Dnipro, c’est donc l’été indien et j’apprécie ces belles journées ensoleillées et ces températures à rendre jaloux le dernier été breton. La ville poursuit son changement architectural… le « Dietsky mir » (« Monde des enfants », immense bâtiment à l’allure soviétique) de la place centrale, n’est plus. Un énième centre commercial va y être construit prochainement. On dit en ville que depuis que Yulia Timochenko, originaire de Dnipro, est Premier Ministre, les choses vont beaucoup plus vite… C’est vrai aussi que le stade ultra moderne est désormais enfin prêt pour accueillir l’Euro de foot en 2012.
Le parc central Lénine a lui aussi été remis au goût du jour. Qu’on se rassure, la statue du leader de la Révolution Bolchevique est toujours bien en place. En revanche, finies les allées en goudron lézardé par les racines des arbres, de beaux pavés à l’occidentale guident désormais les talons des minettes en mini-jupes. Il y a même désormais un éclairage public avec des vrais lampadaires très design et qui marchent ! Des statues d’art ‘moderne’ trônent maintenant au milieu d’une pelouse verte et d’une qualité très au-delà des standards ukrainiens. On a même envie de s’y allonger, à même l’herbe sans n’y étaler aucune couverture. Autre surprise, les gens s’assoient normalement sur les bancs, et non sur leur dossier. Il est vrai, qu’en général, la propreté douteuse des bancs publics en Ukraine invitent à la précaution, surtout quand on s’habille à la mode avec un beau pantalon blanc (simple observation – ce n’est pas encore mon cas, je dois vous rassurer !)…
Bref, vous allez conclure qu’il y a du nouveau en Ukraine, que ça s’européanise. Mmmmm… oui et non, car ce beau parc tout rénové ne l’est en fait que sur une petite partie… le reste du parc n’a pas bougé d’un iota, ou pire, il est resté à l’état de chantier en cours. Pourquoi ? L’explication est unanime et malheureusement très classique : l’argent est arrivé à manquer. Il y avait un budget pour rénover l’ensemble du parc, mais arrivé à un certain stade, plus d’argent… évaporé ! Demandez pas où, personne ne sait et ne veut savoir. Savoir, d’ailleurs, pourrait attirer des ennuis. Les vieux démons ont donc toujours le dessus.
Des pots de vins aux pots de fleurs, il n’y a qu’un parc
Autre exemple pour illustrer ce mal endémique, toujours à propos du parc mais à un autre niveau. Dans la partie rénovée du parc, les jardiniers ont, il y a peu, planté des parterres de fleurs – ne me demandez pas lesquelles, je ne suis pas très calé en botanique… il y avait des œillets, je pense… ‘Avait’ car, oui, il y en a plus, ou pour être précis, il y en a moins. Les gens sont venus se servir directement dans les parterres, chapardant les plants, qui pour sa propre maison, qui pour le revendre sur le marché local. Résultat : des parterres de trous tout frais dans la terre en lieu et place de parterres de fleurs tout neufs… comme un symbole des problèmes de l’Ukraine.
La « krisiz », en Ukraine c’est du concret
Des problèmes, l’Ukraine en connaît beaucoup en ce moment. Plus que l’Ukraine d’ailleurs, ce sont bien les Ukrainiens qui sont inquiets. Tous, absolument tous les ukrainiens que j’ai vus m’ont parlé de la crise qui touche en ce moment l’économie mondiale. Rien à voir avec l’inquiétude toute relative que j’ai sentie en France avant de partir. Ici, on s’inquiète vraiment. Et on ne fait plus confiance du tout aux banques. Chat échaudé craint l’eau froide : les crises financière et économique qui ont frappé l’ex-Urss dans les années 90 ont laissé des traces et une expérience encore inconnue à ce jour en Occident. En effet, les gens ici ont déjà tout perdu en faisant confiance aux banques et n’ont jamais revu l’argent qu’ils avaient alors déposé en toute confiance dans les coffres blindés d’établissements réputés sûrs.
Une expérience qui explique surement cette inquiétude et qui oblige à des réflexes. Le cours de l’or est actuellement en constante augmentation et on a rarement vu tant d’ukrainiens acheter le métal précieux, jugé plus sur que la monnaie locale. Autre indicateur, les banques manquent de liquidités depuis que leurs clients sont venus retirer leurs économies pour les placer plus en sécurité, bien au chaud sous le matelas. Aujourd’hui, il est parfois difficile de retirer de grosses sommes d’argent en Ukraine, d’autant plus si l’on veut des dollars ou des euros. Pendant ce temps, le Hryvna, la monnaie locale, joue au yoyo et son taux de change varie d’heures en heures si bien qu’on peut commander un PC en ligne et se rendre au magasin le lendemain pour le payer et le retirer… en voyant son prix majoré de près de 25% ! Simplement à cause de la ‘krisiz’ comme ils disent ici.
Objectivement, il y a en effet de bonnes raisons de s’inquiéter… D’autant plus que la classe politique continue son festival (un vrai cirque comme disent les ukrainiens, quand ils veulent rester polis !) et ne donnent aucune garanties pour l’avenir. Bien au contraire, on se tire dans les pattes entre anciens alliés de la très lointaine Révolution Orange. La coalition gouvernementale vole en éclats et le président convoque des élections législatives anticipées – les troisièmes en trois ans. Et on n’est même pas sûrs qu’elles aient lieu…
Donc, non, rien ne change vraiment en Ukraine… Toujours autant le bocson, mais le peuple, bien que véritablement inquiets pour son avenir proche n’en continue pas moins de profiter du moment présent en gardant cet esprit « gouliat » largement décrit par Yogui. Pour notre plus grand bonheur à nous, gouliateurs amateurs, mais sensibles aux problèmes de la réalité quotidienne de nos hôtes.
Pierre