On se choppe à Chop
Un des moments les pires d’un voyage est maintenant derrière nous : Le Départ. Moment particulier où on est envahi par un sentiment bizarre, ce terrible partage entre l’excitation de bouger et la tristesse de laisser un moment ceux qu’on aime. Depuis mon village de Vlkanova en Slovaquie, il m’aura fallu 4 trains et 7h12 de trajet pour faire 320 km et rejoindre notre point de rendez-vous à la gare de Chop en Ukraine.
Le dernier train que j’ai pris relie Cierna nad Tisou à Chop, cette petite ligne mène de Slovaquie en Ukraine. Pour moi la première frontière de notre périple et peut-être la plus symbolique, synonyme d’au revoir à la Slovaquie mon pays d’adoption, à l’alphabet latin, à l’espace Schengen, à l’heure européenne et d’adieu à la couronne Slovaque puisque quand je reviendrai l’an prochain, ils seront passés à l’Euro.
Volodia, le passeur de clopes… par la fenêtre
A Cierna nad Tisou, sur le quai je demande à un type si le train devant nous est bien celui qui mène a Chop, il me dit : « ouais vas-y monte moi aussi j’y vais ». Une fois dans le train, il sort un gros carton de nulle part, et ouvre la fenêtre du train en grand. Petites gouttes de sueur sur le front, le regard attentionné sur tous les passagers de l’unique wagon du train, il se saisi du fameux carton et hop, il le balance par la fenêtre. Après il passe un p’tit coup de fil pour s’assurer que la livraison est bien arrivée. Intrigué, je vais le voir pendant qu’il fumait une cigarette, et lui demande ce qu’il a jeté et il ne me répond des cigarettes. Selon lui, c’est plus rentable que la drogue car y’a environ une personne sur trois qui fume. Analyse pertinente.
Chop ou la gare fantôme des retrouvailles
Arrivée à Chop, et c’est le passage au poste frontière ukrainien et les éternelles questions en russe sur le but de mon voyage en Ukraine. Je me débrouille pour répondre et la douanière intriguée de voir un gars avec un passeport français qui comprend un peu et parle deux, trois mots de russe. Elle s‘est donc senti obligée de vérifier l’authenticité de mes papiers et de manière méthodique elle a tourné mon passeport dans tout les sens, épluché chaque page en vérifiant bien la qualité du papier. Ce test passé avec succès, je peux pénétrer dans la grande gare sombre et désertique de Chop ornée de fresques, souvenirs de la grande époque soviétique. Mais où s’asseoir dans ce grand hall vide ??? Ah si ! J’ai trouvé le seul banc de toute la gare, perdu dans le coin …. Je peux maintenant attendre Pierre quelques heures.
« Ohhhhh il est là……. » Voilà la réaction de Pierre quand il m’a trouvé dans la gare. Les retrouvailles dans cette gare fantôme nous a motivé à très vite bouger de là et à trouver des billets de train pour Dnipropetrovsk. Problème, il ne reste seulement qu’un seul billet pour le train direct de 22h30. On trouve quand même un train pour Dnipropetrovsk via Lvov qui part dans une direction totalement opposée mais qui arrive quasiment à la même heure, soit 2h40 du mat le dimanche matin… Trop balaise ces Ukrainiens.
Le train, le platzkart, ses rencontres, et ses personnages
La première nuit dans le train vers Lvov aura été une longue nuit de retrouvailles (!) et courte nuit de sommeil. On est arrivé à 6h du mat à Lvov, et attendu jusqu’à 9h20 le train pour Dnipropetrovsk. Pour tous nos déplacements en train, on a décidé de voyager autant que possible en 3ème classe dans le fameux « platzkart ». Un platzkart n’est ni plus ni moins qu’un dortoir ingénieux sur roulette, le meilleur endroit pour faire des rencontres, voyager dans la bonne humeur, et apprendre en s’amusant l’art de voyager à la locale.
Yvon, THE Roumain
Une fois dans mon 6ème train consécutif, on s’installe mais pas de place pour les pieds. Yvon, un gros roumain, notre voisin de train y avait mis son sac proportionnel à sa corpulence. Yvon, une vraie bouille, équipé d’un survet’ Adidas en laine (surement une édition limitée du marché des contrefaçons), n’a pas été coopératif, et y’avait pas moyen de bouger ses affaires. Alors dès que des places se sont libérées nous sommes allés nous asseoir en face.
Alla la classe
Puis Alla est arrivée, docteur, ukrainienne d’origine polonaise, d’une cinquantaine d’année. Chic, très souriante et heureuse de vivre, on a très vite fait connaissance autour d’une bière. Les provisions se sont très vite amoncelées sur la table et très attentionnée elle nous préparait des petits sandwichs avec du saucisson. Marta, la passagère du lit supérieur se faisait transparente le nez dans son livre de yoga et refusa de se joindre à nous.
Sacha ex-drogué devenu fou de Dieu, Marissa et son sourire en or
Ensuite sont arrivés deux nouveaux passagers, Sacha, un jeune homme d’une trentaine d’année peut-être et Marissa une femme d’environ cinquante ans aux dents dorées. Tout de suite avec Pierre on s’est dit que le Sacha, il est un peu bizarre. On a commencé à parler tous ensemble et effectivement, il s’est avéré que Sacha n’avait pas un passé commun.
Il a commencé sa carrière de drogué à seulement 8 ans en sniffant de la colle puis a goûté ensuite à tout. Il est aujourd’hui sorti de ça grâce à l’aide divine de Dieu, oui Dieu l’a sorti des bras de la drogue. C’est ce qu’il n’arrête pas de répéter…
Les débats fusent dans notre partie du wagon, tous les thèmes sont abordés de la religion au salaire du mari de Marissa (800 dollars par mois… très largement au-dessus de la moyenne). Yvon allongé comme une ….. sur le flanc (il ne tiendrait pas sur le dos et déborderait dans l’allée), le bidon à l’air se réveille de temps en temps et intervient à la volée dans la discussion.
Premier cours de russe et autres péripéties du ‘Platzkart’ way of life
De mon côté j’écoutais en essayant de comprendre mais mon niveau en russe était trop faible. C’est là que j’ai senti que je devais commencer à bosser. J’ai donc sorti mon cahier pour prendre ma première leçon de russe. Pierre m’aidait mais aussi Alla et mes autres compagnons de voyage amusés de voir un p’tit « frantzouz » qu’essaye d’apprendre leur langue.
La vie dans le train est hors du temps….. Yvon qui empeste le wagon en mangeant son chou fait maison tout droit sorti du bocal, à côté de la réincarnation de Jean-Claude Dusse version ukrainienne avec son vieux survet’ bleu saillant style seventie’s, quand tout à coup débarque un VRP non officiel de Black et Diker (sic) qui propose à chaque passager une scie sauteuse-perceuse-visseuse… Yvon le bricolo se renseigne sur le produit mais ne conclue pas l’affaire. Plus une distraction pour tuer le temps qu’un véritable souhait de ressortir du train avec une valise de plus.
Tout le monde dort, nous on se réveille de la sieste et on a un creux. On s’assoit sur le lit d’Alla qui dort et hop, on sort le poulet. On retourne se coucher pour 3, 4 heures de dodo avant d’arriver à Dnipropetrovsk. Mais ça pue, bordel !… c’est moi qui pue ou quoi ???? Ah nan nan c’est la babouchka d’Yvon qui dort en dessous de moi… elle a trop abusé du chou c’est certain.
C’est vraiment folklo ces trains et c’est encore loin d’être fini.
Guillaume
Excellent !
Vive les Platzkart !
:D
En vous souhaitant un bon voyage.
Alla looks VEEEEERY motivated… :))))